Marché des matériaux : vers un retour à l’équilibre en 2025

Après plusieurs années de fortes tensions, le marché des matériaux de construction amorce une phase de stabilisation. Analyse des signaux de reprise, des points de vigilance et des dynamiques sectorielles à suivre de près.

Un retour progressif à la normale amorcé depuis 2024, après trois années sous pression

Depuis 2020, le secteur de la construction évolue dans un environnement instable et contraint. La crise sanitaire a provoqué une série de ruptures : arrêts de chantiers, pénuries, hausse brutale de la demande. À cela s’est ajoutée, en 2022, la guerre en Ukraine, qui a renforcé la pression sur les coûts de l’énergie et les chaînes logistiques. Ces chocs successifs ont profondément déséquilibré le marché, avec des hausses de prix durables et une visibilité réduite pour les acteurs de la filière. 

En 2024, les difficultés persistent : la production de granulats est estimée à 304 millions de tonnes, et celle de béton prêt à l’emploi (BPE) à seulement 33 millions de m³ – des niveaux historiquement bas. L’activité globale des matériaux de construction recule encore de 8 % en volume cette année, après -10 % en 2023. Comparé à 2021, le secteur reste en retrait de près de 16 %.

Malgré ce contexte tendu, des signes de stabilisation émergent. Dès la mi-2023, les premiers indicateurs d’un retour à l’équilibre sont apparus. Une tendance qui s’est confirmée au premier trimestre 2024, portée par un ralentissement des hausses et une meilleure maîtrise des coûts. L’indice des matériaux de construction révèle une stabilisation des prix sur la plupart des matières premières essentielles.

Cette accalmie se reflète notamment sur les coûts de production et les prix de la construction. En 2024, les coûts de production ont augmenté de 0,9 % contre 6,3 % en 2023. Pour ce qui est des prix de la construction, ils n’ont évolué que de 0,4% au cours des 12 derniers mois.

L’acier et le bois : retour à l’équilibre malgré des trajectoires différentes

Cependant, la situation varie en fonction des matériaux. Le marché de l’acier illustre bien cette stabilisation progressive. Après avoir connu une forte hausse au cours des dernières années, les cours se sont finalement ajustés de manière progressive. Ainsi, les prix des produits acier pour le bâtiment ont baissé de 2  % au dernier trimestre 2024, après un repli de 3,9 % au trimestre précédent.

Le bois de construction, pour sa part, suit une trajectoire plus complexe. Si les prix des sciages de résineux européens se sont effectivement stabilisés, certaines essences importées connaissent encore des fluctuations importantes. Les restrictions à l’exportation, imposées par plusieurs pays producteurs, et les nouvelles réglementations environnementales maintiennent une pression sur ce segment du marché. En règle générale, la tendance des cours du bois reste à la hausse des prix. En revanche, on constate un ralentissement de cette dernière, voire une baisse pour certains produits spécifiques. 

La transition écologique : un soutien à l’équilibre pour le béton et les isolants

Pour le béton et ses composants, l’équilibre retrouvé s’accompagne d’une transformation profonde liée aux enjeux environnementaux. La décarbonation du secteur cimentier entraîne des investissements massifs qui ont des répercussions sur les prix. En parallèle, les bétons bas carbonesgagnent des parts de marché significatives, redistribuant ainsi les cartes entre les acteurs traditionnels et les nouveaux entrants spécialisés dans les solutions éco-responsables.

Cette observation s’applique tout particulièrement au marché des isolants, où les matériaux biosourcés continuent de gagner du terrain face aux solutions traditionnelles. Si les prix des laines minérales et des isolants synthétiques se sont stabilisés, la demande croissante pour les alternatives écologiques (fibre de bois, chanvre, ouate de cellulose) maintient une certaine tension sur ce segment spécifique.

Les métaux non ferreux : une volatilité qui persiste

Tous les segments ne suivent cependant pas la même courbe. Les métaux non ferreux utilisés dans le bâtiment, notamment le cuivre et l’aluminium, conservent une volatilité importante. Fortement impactés par la transition énergétique mondiale et les tensions géopolitiques, leurs cours demeurent soumis à des variations significatives. 

Cette situation particulière pousse les acteurs de la filière électrique et des couvertures métalliques à développer de nouvelles stratégies d’approvisionnement, incluant des contrats à long terme et des solutions de couverture financière.

Un équilibre qui reste dépendant des tensions géopolitiques

Si les fondamentaux économiques permettent d’envisager une stabilisation durable du marché des matériaux, plusieurs facteurs de risque subsistent. Les tensions géopolitiques et les perturbations logistiques peuvent rapidement déséquilibrer certains segments du marché.

La récente crise en mer Rouge, qui a contraint de nombreux navires à contourner l’Afrique, illustre cette fragilité. Les coûts de transport maritime ont temporairement bondi sur certaines routes, impactant ainsi les matériaux en provenance d’Asie. Les professionnels restent donc vigilants face à ces aléas qui peuvent venir perturber l’équilibre fragile du marché.

L’innovation : un moteur pour ce nouvel équilibre

Au-delà des facteurs conjoncturels, le retour à l’équilibre en 2024 s’accompagne d’innovations qui redessinent le paysage industriel. La digitalisation des chaînes d’approvisionnement et l’adoption croissante des outils prédictifs permettent une meilleure anticipation des besoins. 

Parallèlement, l’économie circulaire gagne du terrain, créant progressivement un nouveau marché des matériaux qui complète l’offre traditionnelle. Le recyclage de l’acier, du béton et du verre s’industrialise à grands pas et vient introduire une variable supplémentaire dans l’équation de l’offre et de la demande.

Etat des lieux et perspectives 2025 

Après un retour à un équilibre relatif amorcé en 2024, le secteur de la construction poursuit son évolution 2025 avec quelques signes encourageants en ce début d’année.

Le secteur de la construction au premier trimestre 2025

Ce premier trimestre 2025 montre une reprise apparente du secteur avec une hausse de l’activité dans la construction de bâtiments et les travaux spécialisés, ainsi qu’une augmentation des effectifs. Le nombre de logements mis en chantier a progressé de +18,7 % sur trois mois, rompant ainsi avec une tendance qui était à la baisse depuis 2023.

Cependant, cette amélioration masque des fragilités persistantes : chute des autorisations de permis de construire (-11,4 %), resserrement du crédit, contraction de l’emploi et hausse des défaillances d’entreprises (+2 % dans le secteur immobilier-construction).

En cette fin de premier trimestre 2025, les perspectives du secteur restent mitigées avec d’un côté des espoirs de redémarrage et de l’autre un risque de repli, avec notamment des tensions sur les approvisionnements et la trésorerie des entreprises.

Perspectives 2025

Malgré l’incertitude, l’année 2025 pourrait bien être porteuse de transformations majeures. La croissance des dépenses dans la construction devrait connaître une amélioration (+2,5 % en 2025), portée par la stabilisation des carnets de commandes et des projets publics.

La transition écologique et les rénovations énergétiques joueront un rôle central, avec une accélération des innovations technologiques, comme le recours à l’intelligence artificielle dans le BIM et l’usage accru de matériaux éco-responsables et recyclés.

Cependant, les tensions sur les prix des matériaux, l’inflation, et les contraintes budgétaires des collectivités locales limiteront cette reprise. Le secteur devra aussi faire face à une baisse continue des mises en chantier pour les nouvelles constructions et miser sur la rénovation et la décarbonation des bâtiments existants. Enfin, des mesures de soutien ciblées seront nécessaires pour consolider cette reprise fragile.

Conclusion 

Après plusieurs années marquées par des fluctuations importantes et des tensions, le marché des matériaux de construction semble amorcer depuis 2024 un retour progressif à l’équilibre. Si les volumes de production restent encore en deçà des niveaux d’avant-COVID, la stabilisation des prix et la modération des coûts de production témoignent d’une dynamique positive. Toutefois, cette reprise demeure fragile, soumise aux aléas géopolitiques et logistiques qui continuent d’impacter certains segments du marché.

Par ailleurs, la transition écologique et l’innovation technologique viennent jouer un rôle clé dans cette nouvelle phase. En effet, elles redéfinissent les modes de production et favorisent l’émergence de matériaux plus durables. Par ailleurs, l’économie circulaire, la digitalisation des chaînes d’approvisionnement et le développement des solutions biosourcées seront autant de leviers qui contribueront à renforcer la résilience du secteur.

En somme, 2024 a été une année charnière, où le marché des matériaux de construction, tout en consolidant ses acquis, a dû s’adapter aux défis environnementaux et géopolitiques pour assurer une croissance à la fois durable et équilibrée. L’année 2025, laisse pour sa part entrevoir des signes encourageants, cependant minés par des difficultés persistantes. De nouvelles tendances devraient toutefois venir transformer le secteur et redessiner ses perspectives de croissance.

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